Résumé
Recevoir une aide financière de sa famille peut sembler un geste naturel, souvent dicté par la solidarité ou la nécessité. Pourtant, aux yeux de la CAF, ces aides ne sont pas anodines. Elles constituent des ressources susceptibles d’influer sur le calcul de vos droits aux prestations familiales ou sociales. Qu’il s’agisse d’un virement mensuel de vos parents, d’un paiement de loyer par un proche ou d’une participation régulière à vos dépenses courantes, ces soutiens doivent en principe être déclarés, sauf s’ils correspondent à un prêt formellement établi et remboursable.
Cette obligation de transparence découle directement du Code de la Sécurité sociale, qui impose à tout allocataire de communiquer spontanément l’ensemble de ses ressources, sous peine de sanctions financières. Les tribunaux confirment régulièrement cette exigence : les aides familiales sont présumées constituer des revenus à déclarer dès lors qu’elles présentent un caractère régulier ou durable. L’ignorance de la règle ou l’absence d’intention frauduleuse ne suffit pas à éviter la reprise des prestations perçues à tort.
Ainsi, un oubli ou une omission peut entraîner le remboursement d’un « indu », voire une pénalité administrative. La CAF dispose de larges pouvoirs de contrôle et peut croiser les données avec d’autres administrations. Pour autant, elle doit respecter les droits de l’allocataire, notamment en matière de procédure et de protection des données. En cas de litige, il est possible de contester la décision et de faire vérifier la régularité du contrôle par un avocat.
Pour commencer, qu’est-ce qu’une aide familiale ?
Les aides familiales désignent tout soutien financier qui vous est apporté par un membre de la famille, qu’il s’agisse d’un parent, d’un grand-parent ou même d’un frère ou d’une sœur. Les aides familiales peuvent prendre différentes formes : des virements réguliers sur votre compte bancaire, des paiements effectués directement à votre bailleur pour couvrir votre loyer ou encore la prise en charge de vos dépenses courantes. L’obligation de transparence sur les ressources, y compris sur les aides reçues de la famille, conditionne l’ouverture, le maintien et le calcul de vos droits à prestations. Il convient donc de cerner avec précision l’étendue de cette obligation, ses modalités, ainsi que les conséquences d’une omission ou d’une fausse déclaration.
Le principe est simple : dès lors qu’elles présentent un caractère régulier ou qu’elles ne peuvent être justifiées comme des prêts remboursables, les aides doivent être déclarées à la CAF. Cette obligation s’impose à l’allocataire, sous peine de sanctions administratives et financières, et ce, même en l’absence d’intention frauduleuse. La jurisprudence administrative et judiciaire confirme la rigueur de cette exigence, tout en précisant les critères d’appréciation du caractère déclaratif des sommes reçues.
Fondements législatifs de l’obligation déclarative
Selon l’article L. 583-3 du Code de la Sécurité sociale, « Les informations nécessaires à l’appréciation des conditions d’ouverture, au maintien des droits et au calcul des prestations familiales, notamment les ressources, peuvent être obtenues par les organismes débiteurs de prestations familiales selon les modalités de l’article L. 114-14. […] La fraude, la fausse déclaration, l’inexactitude ou le caractère incomplet des informations recueillies […] exposent l’allocataire, le demandeur ou le bailleur aux sanctions et pénalités prévues à l’article L. 114-17. […] Lorsque ces informations ne peuvent pas être obtenues dans les conditions prévues au premier alinéa, les allocataires, les demandeurs ou les bailleurs les communiquent par déclaration aux organismes débiteurs de prestations familiales. […] Ces organismes contrôlent les déclarations des allocataires ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne leur situation de famille, les enfants et personnes à charge, leurs ressources, le montant de leur loyer et leurs conditions de logement. […] Le versement des prestations peut être suspendu si l’allocataire refuse de se soumettre aux contrôles prévus par le présent article. »
Cette disposition impose à l’allocataire une obligation de déclaration spontanée et complète de toutes les ressources, y compris celles issues de la solidarité familiale, dès lors qu’elles sont susceptibles d’influer sur le calcul des droits.
L’article D. 583-1 du Code de la Sécurité sociale précise que « Tout imprimé de demande de prestations familiales fait mention de la possibilité pour les organismes débiteurs de prestations familiales d’effectuer les vérifications et contrôles prévus par l’article L. 583-3 sur l’exactitude des déclarations faites aux organismes débiteurs de prestations familiales par les allocataires pour l’attribution desdites prestations. » Cette mention vise à informer l’allocataire de la portée de son engagement déclaratif et du contrôle auquel il peut être soumis.
Par ailleurs, l’article R. 844-3 du Code de la construction et de l’habitation dispose que « Les changements dans les conditions de peuplement des locaux doivent être déclarés dans le délai d’un mois par l’allocataire. » Cette obligation de déclaration s’étend à toute modification de la situation familiale ou financière susceptible d’affecter les droits à prestation, y compris la perception d’aides familiales régulières.
Enfin, l’article L. 553-4 du Code de la Sécurité sociale rappelle que « Les prestations familiales sont incessibles et insaisissables sauf pour le recouvrement des prestations indûment versées à la suite d’une manœuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration de l’allocataire. » Cette disposition souligne l’importance de la sincérité des déclarations, la CAF pouvant recouvrer les sommes indûment perçues ou infliger une sanction.
La jurisprudence : obligation de déclaration et qualification des aides familiales
La jurisprudence administrative et judiciaire a eu à se prononcer à de multiples reprises sur la question de la déclaration des aides familiales, en particulier dans le contexte du revenu de solidarité active (RSA) et des prestations familiales soumises à condition de ressources.
Ainsi, le Tribunal administratif de Toulouse a jugé que « les différents mouvements bancaires, par leur récurrence mensuelle, doivent être regardés comme ayant caractère d’aides familiales versées par M. F à sa fille, M me C. Par suite, c’est à bon droit que le département de l’Aveyron a retenu que M. et Mme C devaient déclarer lesdites sommes au titre d’aides familiales dès lors que M. et Mme C n’apportent pas la preuve que ces sommes sont versées au titre d’un prêt que leur aurait consenti M. F et que de telles aides ne font pas partie des aides dont la prise en compte est exclue par les dispositions de l’article R. 262-11 du code de l’action sociale et des familles. » Cette décision illustre la présomption de prise en compte des aides familiales régulières comme ressources à déclarer, sauf preuve du caractère remboursable (prêt).
Ce même Tribunal a jugé que « les aides familiales versées ne pouvaient, eu égard à leur récurrence, être considérées comme ayant pour finalité sociale particulière de répondre à un besoin ponctuel de Mme A. Ainsi, ces sommes ne pouvaient être regardées comme relevant de celles exclues des ressources prises en compte pour le calcul du RSA par le 14° de l’article R. 262-11 du code de l’action sociale et des familles dès lors que le versement des aides familiales à la requérante avait un caractère régulier. » Cette décision confirme que la régularité des versements est un critère déterminant pour l’obligation de déclaration.
Pour sa part, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que « le requérant n’établit pas davantage qu’il s’agisse d’aides remboursables. […] la circonstance, alléguée par M. B, qu’il n’avait pas été correctement informé sur la nécessité de déclarer des aides familiales et qu’il n’avait aucune intention de frauder est sans incidence sur le bien-fondé de la dette mise à sa charge. » Cette décision rappelle que l’ignorance de l’obligation déclarative ou l’absence d’intention frauduleuse ne fait pas obstacle à la qualification d’indu.
Dans le même sens, le Tribunal administratif de Toulouse a jugé qu’il a été établi que Mme D E n’avait pas déclaré des aides familiales et que son mari a également omis de déclarer des aides familiales et des salaires. […] Par suite, la CAF de l’Aveyron a notifié à Mme D E par courrier en date du 17 décembre 2020 un indu de RSA d’un montant de 3 694,15 euros au titre du RSA et de 180 euros au titre de l’allocation de logement familiale pour la période de décembre 2019 à novembre 2020, aujourd’hui soldé. » Cette décision illustre les conséquences financières attachées à l’omission déclarative.
Le Pôle social du Tribunal Judiciaire de Mulhouse a constaté que, « dans le cadre d’un contrôle diligenté par le service Juste Droit du RSA de la Collectivité Européenne d’Alsace, il s’est avéré que le dossier des intéressés présentait des anomalies : - des mouvements créditeurs sur les comptes bancaires du couple [H] et de leur fille [W] à charge au sens des prestations familiales (virements AIRBNB, WEBALTERIMMO, BOOKING et TRAVELSCAPE) représentant selon leurs déclarations des produits de sous-location constituant des virements de soutien ; - des mouvements créditeurs provenant de leurs enfants non à charge ; – des mouvements créditeurs sous forme de dépôts d’espèces constituant des aides en provenance de la grand-mère de [W] ; […] Il était ainsi relevé par la CAF les sommes perçues non déclarées suivantes : […] Soit un total de 13 806,37 euros retenu en tant que libéralités, sommes non justifiées et produits de vente disproportionnés. […] Un indu de 5079,41 euros au titre du RSA et de la prime d’activité a été notifié par courrier recommandé. » Ce jugement montre que la CAF considère comme ressources à déclarer non seulement les aides familiales, mais aussi toute somme perçue à titre de libéralité ou de soutien, dès lors qu’elle n’est pas justifiée par une contrepartie ou un caractère remboursable.
Enfin, la Cour d’appel de Riom rappelle que « l’article L. 114-17 du code de la Sécurité sociale dispose que l’inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ou l’absence de déclaration d’un changement dans la situation justifiant le service des prestations peuvent entraîner l’application d’une pénalité prononcée par le directeur de l’organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d’assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l’organisme concerné. » Cette décision confirme la possibilité de sanction administrative en cas d’omission déclarative.
Modalités pratiques de la déclaration et contrôle de la CAF
L’obligation de déclaration s’exerce lors de la demande initiale de prestation, mais également dans le cadre des déclarations trimestrielles de ressources (DTR) ou à chaque changement de situation susceptible d’affecter les droits de l’allocataire. Il convient de signaler spontanément toute aide familiale reçue, en particulier si elle présente un caractère régulier ou substantiel. La CAF dispose de larges pouvoirs de contrôle, comme le rappelle l’article L. 583-3 du Code de la Sécurité sociale : « Ces organismes contrôlent les déclarations des allocataires ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne leur situation de famille, les enfants et personnes à charge, leurs ressources, le montant de leur loyer et leurs conditions de logement. Ils peuvent contrôler les déclarations des bailleurs, afin de vérifier notamment l’existence ou l’occupation du logement pour lequel l’allocation mentionnée au a du 2° de l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation est perçue.«
La jurisprudence, notamment le Cour d’appel de Lyon, rappelle que « les croisements de fichiers entre les caisses d’allocations familiales et les services fiscaux n’ont aucunement pour objet de suppléer les allocataires dans leurs obligations de déclarations actualisées auprès de la CAF sur leur situation professionnelle » et que « les mentions de ressources déclarées au nom de monsieur X sur les photographies écran du site CAF Mon compte mon dossier mes ressources correspondent à celles transmises automatiquement par les services fiscaux » Il appartient donc à l’allocataire de veiller à la mise à jour de ses déclarations, indépendamment des échanges d’informations entre administrations.
Conséquences de l’omission ou de la fausse déclaration
L’omission de déclaration d’une aide familiale expose l’allocataire à plusieurs types de sanctions. D’une part, la CAF peut exiger le remboursement des prestations indûment perçues. D’autre part, une pénalité administrative peut être prononcée, comme l’a rappelé la Cour d’appel de Riom. Ainsi, la Cour a relevé que les inexactitudes et omissions dans les déclarations de Mme Y étaient délibérées, justifiant ainsi la pénalité de 500 €. Enfin, la suspension du versement des prestations peut être décidée en cas de refus de se soumettre au contrôle.
La bonne foi de l’allocataire, ou l’ignorance de l’obligation déclarative, n’exonère pas de la sanction, comme l’a rappelé le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise : « la circonstance, alléguée par M. B, qu’il n’avait pas été correctement informé sur la nécessité de déclarer des aides familiales et qu’il n’avait aucune intention de frauder est sans incidence sur le bien-fondé de la dette mise à sa charge qui se borne à constater qu’il a reçu des sommes auxquelles il n’avait pas droit. »
Protection des données et information de l’allocataire
La collecte et le traitement des informations relatives aux ressources, y compris les aides familiales, doivent respecter les principes de protection des données personnelles. La CNIL précise que « ces informations concernent les noms, prénoms et date de naissance de chacune des personnes prises en compte pour la détermination du droit au RMI, l’adresse, le numéro d’inscription au RNIPP pour les conjoints ou concubins, ainsi que le numéro allocataire qui leur est attribué par la CAF ; que celles-ci sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard de la finalité poursuivie » et qu’ »il est essentiel que les demandeurs soient clairement informés de leurs droits et des implications de leur demande (…) » L’allocataire doit donc être informé de la finalité et de la portée des informations collectées, ainsi que de ses droits en matière de protection des données.
La CNIL ajoute qu’ « un formulaire administratif de déclaration de ressources, qui présente un caractère facultatif, est adressé à l’ensemble des allocataires, que ceux-ci bénéficient ou non déjà de prestations versées sous condition de ressources, dans le but d’informer les intéressés sur leurs droits potentiels ; que la CNAF prévoit que les informations ainsi recueillies seront conservées même lorsqu’elles ne sont pas nécessaires à la liquidation d’un droit, au motif que les CAF se doivent de liquider dans les meilleurs délais les nouveaux droits qui peuvent résulter des modifications de situation familiale ; que la possibilité d’une telle conservation devra toutefois être subordonnée au défaut d’opposition de l’allocataire, qui verra son attention appelée à cet égard par une mention portée sur le formulaire de déclaration de ressources« . Cette exigence de transparence vise à garantir le respect des droits des allocataires tout en assurant l’efficacité du contrôle.
Conclusion
On le voit, les règles sont complexes. Il résulte de l’ensemble des textes et de la jurisprudence que l’allocataire a l’obligation de déclarer à la CAF toute aide familiale reçue, dès lors qu’elle présente un caractère régulier ou qu’elle ne peut être justifiée comme un prêt remboursable. Cette obligation s’applique indépendamment de la bonne foi de l’allocataire ou de l’absence d’intention frauduleuse. L’omission de déclaration expose à des demandes de remboursement des allocations perçues.
Que faire en cas de litige ?
La CAF dispose de larges pouvoirs de contrôle et d’investigation. Mais elle doit respecter strictement l’ensemble des règles de forme et de procédure que le législateur a prévues en faveur des allocataires. C’est le rôle de l’avocat de vérifier dans le détail si tel a été le cas. Lorsque la CAF remet en cause vos droits ou vous demande un remboursement, il est essentiel d’agir rapidement et de manière adaptée. Mais gardez bien à l’esprit qu’il n’est jamais trop tard : l’avocat peut vérifier ces points à tous les stades de la procédure.
Pour être accompagné dans vos démarches et défendre vos droits, contactez Maître David BAPCERES, avocat à la Cour.